Ma lecture de La Tyrannie de l’absence de structure, de Jo Freeman

Un nœud papillon de boys club

L’absence de structure existe-t-elle vraiment ? Quel est le lien entre amitié et élitisme ? En répondant à ces questions (parmi d’autres), Jo Freeman explore avec force pédagogie la fabrique de l’exclusion et, par contraste, explique comment créer les bonnes conditions pour qu’un groupe, quelle que soit son échelle, ait une réelle portée politique.

Dans “La Tyrannie de l’absence de structure” la chercheuse militante américaine Jo Freeman parle des groupes au sein du mouvement de libération des femmes. L’article date de 1972. Il est disponible en français grâce au collectif Indice à cette adresse.

Ce texte était dans ma pile à lire depuis quelques semaines, avec une bonne quinzaine d’autres : des études, des témoignages, des rapports, des articles scientifiques, qui touchaient de près ou de loin au collectif et, par extension (car on n’échappe jamais à ses obsessions), aux manières de travailler à plusieurs.

Le seul titre du texte est un appel au débat : il va inspirer des “Whaaat !?” à certain·es, et des “Bon sang, mais c’est bien sûr !” à d’autres.

 

Grosso modo, Jo Freeman y aborde successivement :

  • les notions de structure formelle et informelle
  • une définition de l’élitisme
  • les conditions dans lesquelles on peut se passer de structure formelle, et leurs limites
  • et enfin : un mode d’emploi pour la structuration formelle d’un groupe, permettant à la fois de prendre soin de ses membres et d’atteindre une réelle efficacité politique (comprendre : agir en vrai et à grande échelle).

À la lecture de ce texte, tout* s’éclaira dans ma tête, alors que je n’avais même pas atteint le chapitre du mode d’emploi.

(*Au moins une grande partie des problèmes du monde.)

J’étais dans le chapitre qui liste les conditions indispensables — et souvent insuffisantes — pour qu’un groupe fonctionne (aka ait une efficacité politique) sans être formellement structuré. Le level 0 du mode d’emploi, donc.

Ce qui m’a marquée dans ce texte :

  • le fait que l’absence de structure n’existe pas. En l’absence de structure voulue et formalisée, une ou plusieurs structures informelles se mettent en place, c’est obligé dès que des humains se réunissent pour faire un truc.
  • l’importance de la circulation de l’info
  • l’amitié et ses liens avec l’élit(ism)e
  • comment cela m’a éclairée sur mes expériences malheureuses en groupe.

En effet, avant de montrer les moyens de mettre en place une structure formelle démocratique, l’autrice explique pourquoi la structuration active et volontaire est indispensable à l’efficacité politique.

Enfin plus exactement, elle démontre de manière hyper pédagogue les désastres causés dans les groupes où manque une structure formelle, c’est-à-dire une organisation sciemment décidée et respectée par le groupe — beh oui, c’est pas le tout d’écrire des règles de conduite, encore faut-il les suivre.

Je vais donc revenir sur les points à privilégier dans la structuration d’un groupe, si on veut que 1) chacun·e y ait sa place 2) personne ne se sente dépossédé·e de son pouvoir de décision et 3) avoir une réelle efficacité d’action.

Prêt·e ? C’est tipar.

La circulation de l’info, enjeu central

…qui implique aussi la circulation des connaissances et des compétences.

La nécessité de diffuser l’info à tout le monde

Dans ses observations sur les groupes qui fonctionnent “sans” structure, donc en fait sans structure formelle, Jo Freeman souligne que c’est dû à “beaucoup de communication interne”. Personne au sein du groupe ne doit être lésé·e en terme d’information.

Des fois c’est le cas par hasard (et tant mieux), mais sinon c’est une chose à laquelle il faut être attentif·ve.

Dans quelque groupe que ce soit, si certain·es des membres a moins d’infos ou des infos différentes de leurs consœurs, c’est excluant. On sait d’ailleurs que la rétention d’information est une méthode assez courue — et bien identifiée — de manipulation. Je pars du principe que personne ne veut manipuler personne ici, donc : communiquez toutes les infos à tout le monde.

Cela va sans dire, mais en fait ce n’est pas évident (j’y reviens).

La nécessité de garantir un accès égalitaire à toutes les ressources, compétences & moyens techniques compris

L’information est capitale donc, mais aussi la connaissance et la compétence, qui sont un peu ses dérivées.

Je re cite Jo Freeman : lorsqu’elle analyse les facteurs d’efficacité des groupes apparemment non structurés, elle souligne qu’il y a “peu de spécialisation technique (…), tout doit pouvoir être fait par plus d’une personne”. Pour atteindre une efficacité politique, le groupe doit intégrer un système de formation pour partager les compétences de chacun·e.

Cela permet que :

  • la répartition des tâches ne se fasse pas par défaut ;
  • tout le monde puisse prendre part à toutes les tâches, indépendamment de leur relouitude
  • la répartition des tâches puisse elle-même tourner entre les membres.

En gros, en favorisant la formation et la compétence de chacun·e sur toutes les tâches vitales pour le groupe, on évite qu’une même personne porte toujours la même tâche méga chiante, sous prétexte que c’est la seule à connaître le process.

Et on évite aussi qu’une (autre) même personne s’épargne cette chiantise sous prétexte qu’elle ne sait pas faire (qui n’a jamais croisé ce cas ?)

Mémo perso :

Info + connaissances + compétences = légitimité individuelle = pouvoir collectif

En pratique, ça donne quoi ?

Dès qu’il y a un couple au sein du groupe, par exemple, c’est mort pour l’égal accès de toustes à l’information.

Ça marche aussi avec des meilleur·es potes, des colocs, des collègues…

Bref, s’il y a des relations privilégiées entre certaines personnes au sein du groupe, ça crée des ponts de communication privilégiés.

Ben oui : que se passe-t-il entre des ami·es, des conjoint·es, des colocs, des collègues de travail ? On discute, pendant tous ces temps où on est en contact sans être pour autant dans le groupe. C’est forcément du temps de communication qui échappe à la communication interne au groupe.

Maintenant qu’on a dit ça, on fait quoi ?

On interdit aux meilleur·es potes / colocs / voisin·es / personnes en couple de se parler en dehors du groupe ? On interdit aux potes / colocs / etc de fonder même des groupes ?

Pas une super idée.

De toutes façons, ça semble inévitable qu’au sein d’un groupe, il y ait des affinités inégales entre les membres — qu’elles préexistent au groupe, ou pas.

Dans ce cas, il est de la responsabilité de celleux qui papotent en soum-soum de rééquilibrer l’inégalité créée en matière de circulation de l’information :

  • partager avec le groupe ce qu’iels se disent
  • laisser au groupe le temps d’assimiler les infos pour prendre les décisions
  • ne prendre elleux-mêmes aucune décision durant ces moments d’échanges privilégiés.

Mémo perso :

L’amitié implique l’exclusion au sein d’un groupe

Boîte à outils

De l’amitié à l’élitisme

…ou comment les boys clubs nous démontrent le mécanisme de domination le plus efficace de tous les temps.

L’autre truc qui a épiphanié mon quotidien, c’est ce lien que Jo Freeman fait entre amitié et élite. Elle donne cette définition assez factuelle de l’élite :

Une élite est un petit groupe de gens qui domine un autre groupe plus grand, dont il fait partie, souvent sans avoir une responsabilité directe sur ce plus grand groupe, et qui agit fréquemment sans son consentement ou sa connaissance.

Pour agir en scred, l’élite a donc besoin, avant tout, de communiquer en dehors du groupe, de manière “informelle”. Quoi de plus pratique pour cela que des liens d’amitié ?

Les élites ne sont rien de plus et rien de moins que des groupes d’ami-e-s qui se retrouvent à participer à la même activité politique

Un groupe d’ami·es au sein d’un groupe plus large, c’est un réseau parallèle de communication, de soutien et de validation. En l’absence de structure formelle, c’est ce réseau parallèle, cette structure informelle, qui prédomine.

Jo Freeman va plus loin :

Ce type de relations informelles a servi des siècles durant à exclure la participation des femmes dans des groupes intégrés dont elles faisaient partie. €

👆 C’est le principe du boys club : des hommes cis blancs qui se partagent le pouvoir de manière à la fois coordonnée et implicite, simplement parce qu’ils se ressemblent (et donc “s’assemblent”).

Une partie des actions du féminisme consiste à tenter d’imposer de nouvelles structures formelles plus égalitaires. Exemple : les lois sur la “parité” dans la gouvernance des grosses boîtes. (”parité” on se calme hein : en langage institutionnel français, ça peut vouloir dire 30% de femmes… 🙄)

À défaut de s’emparer des règles du boys club, et les rejouer avec la même constance systématique entre meufs et minorités de genre contre les hommes cis, on tente d’imposer une autre structure. Autant dire que la structure formelle qu’on propose (la loi) est encore assez faiblarde face à la structure informelle (le fait de se nommer entre pairs) en place depuis des siècles. Peut-être qu’il serait plus efficace se s’approprier vraiment les mécanismes du boys club ?

C’est ce que proposent les autrices de cet article fleuve et très pédagogique : Lutter en féministes dans les mouvements sociaux, dont je reparlerai dans un autre post.

Un nœud papillon de boys club

Comment ça éclaire mes expériences malheureuses en groupe

Je parlais d’épiphanie plus haut, car j’étais justement, à ce moment, en train de me dépatouiller d’un groupe dans lequel je ne trouvais pas ma place. Je repensais aussi à d’autres groupes où je ne me sentais pas exclue mais excluante, sans savoir quoi faire pour y remédier.

Lire que les amitiés transversales au sein d’un groupe pouvaient être excluantes m’a fait l’effet d’une douche froide : que n’avais-je pas identifié ça plus tôt !?

Le sentiment d’exclusion implicite

Je me revois encore, désespérée de ne pas trouver ma place dans une asso, à me demander pourquoi je me sentais si mal “alors que” personne ne m’avait jamais rien promis. “Alors que” je respectais toutes les règles explicites que je connaissais. “Alors que”, aussi, personne n’avait d’attitude directement excluante à mon encontre.

Ça me donnait l’impression d’être parano car bien sûr, je doutais de la légitimité de mon ressenti… 🔄

En fait c’était ce truc banal d’être potes, entre des personnes dont on ne fait pas partie, qui est excluant. En tout cas qui le devient, si rien n’est fait pour rééquilibrer la circulation d’infos et de décisions au sein de l’ensemble du groupe.

Et plus on nie le poids de ces relations privilégiées, moins on peut agir sur les déséquilibres qu’elles causent, logique !

Le sentiment confus d’être moi-même excluante

À l’inverse, j’ai plusieurs fois senti que, dans un groupe dont je faisais partie, on n’intégrait pas assez une ou plusieurs personnes. Mais sans savoir vraiment quoi faire pour mieux les intégrer.

Aujourd’hui je comprends un peu mieux ces situations : je faisais partie de l’élite du groupe, tout simplement 💁

Ma responsabilité aurait été de rééquilibrer la circulation de l’information.

Par exemple, lorsque j’avais des infos dont je savais qu’une partie du groupe n’avaient pas entendu parler. Genre : j’avais discuté avec une bonne pote (faisant partie du groupe) et on avait émis des hypothèses X. Je pouvais ne pas trouver utile de mettre au courant le reste du groupe de cette conversation, parce qu’elle me semblait anecdotique — alors que par définition, elle ne l’était pas si elle avait fait avancer le schmilblick.

Autre exemple : j’ai beaucoup échoué à convaincre tout un groupe de suivre les règles mises en place, par inertie (on dit “flemme” aussi parfois). Ce qui me manquait c’était — je pense ça aujourd’hui — des mots pour expliquer la nécessité de suivre ces règles. Elles servent à prendre soin des nouvelles arrivantes dans le groupe.

Se serrer les mains et les coudes

La structure informelle, un pouvoir sous-coté

Je le disais en intro, et Jo Freeman avant moi : la structure est inévitable dès qu’il y a interaction entre des personnes.

Tous les groupes créent des structures informelles comme conséquence des normes d’interaction entre les membres du groupe ; ces structures informelles peuvent être très utiles. Mais seuls les groupes « sans structure » sont totalement régis par elles.

En interne, on l’a vu, la structure informelle dominante (l’absence de structure formelle) entraîne la génération d’une élite.

Deux conséquences sur l’image publique du groupe

La prédominance d’une structure informelle entraîne aussi la génération de “stars” : soit des personnes qui, pour une raison quelconque (pas toujours justifiée), deviennent particulièrement visibles à l’extérieur du groupe.

Les médias ont besoin d’une incarnation humaine pour toute chose, on le sait. Si le groupe ou le mouvement ne désigne pas lui-même ses porte-paroles, ce sont les “stars” au sens de Jo Freeman, qui endossent malgré elles ce rôle et cette méga responsabilité.

Cela entraîne deux choses totalement pourries :

  • Le manque de contrôle du groupe sur la diffusion de son message

    (Rappel : Jo Freeman parle des groupes féministes mais cela s’applique à absolument tout groupe)

    Salut les politiques vides de sens qui s’approprient oklm le vocabulaire militant en le tournant en dérision — cf le “wokisme” et son arme redoutable (/s), le pronom “iel” 🤣 — ou en faisant croire que Macron vient d’inventer la Lutte-contre-les-violences-sexistes-et-sexuelles

  • des violences diverses du groupe à l’encontre des stars : on va leur reprocher de ne pas représenter correctement les intérêts du groupe (alors qu’elles ne sont pas responsables de leur statut de star).

    Au pire, les stars quittent le groupe, au mieux elles y restent en prenant de la distance par rapport au groupe. En clair, elles finissent par faire ce qu’on leur reproche : avoir, volontairement (pour se protéger), une attitude contraire à l’intérêt du groupe.

Formaliser une structure c’est bien, la respecter c’est mieux

Puisque l’“absence de structure” n’existe pas, et qu’il y a forcément une structure informelle, impensée, le mieux est de formaliser une structure volontairement. Ça, ok.

Et pour que la structure formelle soit plus forte que la structure informelle, il s’agit d’en prendre la responsabilité, c’est-à-dire la respecter.

On connaît toustes cette situation où il existe des règles, mais elles ne sont pas respectées :

  • soit parce qu’une ou plusieurs personnes (devinez lesquelles… ça commence en él) en décident ainsi, et personne n’ose les contredire ;
  • soit parce que personne n’a envie de les suivre — mais même là, je soupçonne que ce sont quelques personnes qui décident de ne pas les suivre, et que le reste du groupe laisse faire, par flemme du conflit par exemple, pour ne pas passer pour la·e râleur·se de service, la·e casseur·se d’ambiance, etc.
Faites passer l'info

En résumé

Les ravages d'une structure informelle dominante

Au niveau individuel : des conflits entre les gentes

    • (auto-)exclusion de personnes, en amont ou en aval de leur participation au groupe
    • démissions symboliques
    • ressentiment, frustration, etc

Au niveau collectif : des guerres entre élites, aka entre structures informelles concurrentes, donc :

      • le maintien de structures informelles en se cachant “derrière le drapeau de ‘l’anti-élitisme’ et de l’absence de structure”

      • ou la structuration du groupe “de manière à ce que la structure de pouvoir initiale s’institutionnalise”. Autrement dit, légitimation et intégration de la structure informelle (et ses travers) dans la structure formelle.

Au niveau politique :

  • faiblesse politique, faiblesse d’action : au mieux, une action limitée dans le temps et dans l’espace ; au pire, l’absence d’action
  • perte de contrôle sur la manière dont sont diffusées ses idées, sur son image, auquel cas la récupération est facile par d’autres groupes

Principes d'une structuration démocratique

Si on récap le mode d’emploi proposé par Jo Freeman pour une structuration démocratique d’un groupe, en vue d’une action efficace politique.

  • La délégation des formes spécifiques de l’autorité
  • Exiger des personnes détenant une autorité qu’elles soient responsables devant celles qui l’ont élue
  • La distribution de l’autorité au plus grand nombre de personnes raisonnablement possible.

👆 Remarque sur ces trois premiers points : l’autrice les place en premier, mais ce n’est qu’à ce moment de l’article qu’elle parle de pouvoir formellement distribué. Comme quoi (il me semble), ce n’est pas le plus important !

  • Puis vient la rotation des postes entre les personnes
  • Et la répartition des tâches selon des critères rationnels comme la capacité, intérêt et responsabilité (et non la sympathie ou la popularité ou la flemme)

👆 Ces deux points impliquent de favoriser les opportunités de développer les capacités de chacun·e par un réel processus d’apprentissage actif. Un laisser-faire conduit, au mieux, à un apprentissage douloureux car sur le tas, au pire à des erreurs de casting dont personne ne se rend compte. Dans tous les cas, c’est un facteur de risque psychosocial reconnu : la frustration entre effort et résultats, ou entre attentes et compétences.

  • Enfin, la diffusion de l’information à tout le monde
  • L’accès égalitaire à toutes les ressources

👆 Je pense qu’il faut commencer par l’accès à l’info et à la ressource, avant même de se poser la question de la gouvernance d’un groupe.

D’une part, parce que dans les groupes réduits, une répartition formelle des pouvoirs est mathématiquement compliquée ; et dans les groupes plus importants, la question de la gouvernance est assez évidente, que ce soit dans l’imaginaire militant ou dans n’importe quelle organisation (de la moindre association jusqu’au méga groupe du CAC40).

D’autre part, je pose la question dans l’autre sens : si on ne voit pas l’intérêt de structurer la circulation des savoirs et des savoir-faire dans un groupe, comment peut-on comprendre la nécessité d’une distribution égalitaire des pouvoirs officiels, et surtout comment espérer l’appliquer ?

Se rassembler

Jo Freeman parle des mouvements féministes étatsuniens des années 60 et 70, entre conscientisation des mécanismes du patriarcat et action politique.

La force de sa réflexion est d’identifier en quoi le mouvement féministe, en l’absence de structure formelle, reproduit les principes mêmes du patriarcat contre lesquels il prétend lutter.

Et ça marche au-delà des mouvements féministes.

La grosse leçon de ce texte (à part qu’on n’a pas le derrière sorti des ronces), c’est que :

structure informelle prédominante ⇒ génération d’une élite ⇒ exclusion d’une partie du groupe

Ce mécanisme est d’une redoutable efficacité dans le maintien et la protection du pouvoir en place, à tous les niveaux — de la bande de potes à la direction d’un État, en passant par toutes les entreprises, les assos et les collectifs formés pour, au moins, agir sur un truc.

Bref, si on veut faire quelque chose dans ce monde qui ait un minimum de sens et d’efficacité face à toutes les formes de domination en présence, la moindre des choses est de stopper les pratiques toxiques que les hommes actionnent depuis des années, et communiquer entre nous.

Références citées dans cet article :
Affaire à suivre sur Art Boulot

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