Égalité de genre dans la culture : ça donne quoi en 2023 ?

Rapport 2023 de l'Observatoire de l'égalité femmes hommes dans la culture

74 pages, 91 tableaux, 3000 chiffres : le rapport 2023 sur l’égalité de genre dans la culture est imbitable et déprimant. Je l’ai mis en couleurs pour le décrypter, t’as de la chance.

On a beau avoir l’impression de voir “les femmes” partout dans l’art, les chiffres ne progressent pas.

En tout cas, pas à la bonne vitesse. C’est ce que montre le rapport 2023 de l’Observatoire de l’égalité femmes hommes dans la culture et la communication. En substance : les femmes sont minoritaires partout, sauf dans des petites niches qui en disent long sur la manière dont elles s’évaporent (c’est le terme sociologique pour dire “disparaissent”), et sur la place qu’on leur réserve globalement.

En plus de cela, le calcul et la présentation du rapport sont diablement orientés pour nous faire voir le verre à moitié plein les 1/10 du verre plein.

Laisse-moi te montrer le verre aux 9/10 vide, grâce à mon meilleur ami Excel. Car oui, malgré le désespoir que m’inspirent ces chiffres, je me suis motivée à les mettre en couleurs pour voir, de près, en quoi ils sont désespérants.

En deux mots, ce qui ressort de cette mise en couleurs :

  • L’éditorialisation des chiffres rame pour en souligner le positif (spoiler : ça marche… pas longtemps)
  • Où sont les femmes, vraiment (spoiler : pas là où est le pouvoir)
  • Tuto made in le Ministère pour présenter des chiffres pourris avec panache

I. Le rapport, ses chiffres et mes couleurs

L’Observatoire de l’égalité entre femmes et hommes dans la culture et la communication est un bout du Département des études, de la prospective, des statistiques et de la documentation du ministère de la Culture.

Il publie un rapport chaque année au mois de mars, pour profiter du coup de loupe pointé sur la place et les droits des femmes dans le monde (how original).

1. Les chiffres

La plupart de ses chiffres (85% des 3000) donnent le pourcentage de femmes dans des groupes tels que (exemples pris au pif) :

  • Les personnes qui occupent un poste de direction / présidence

    — au Ministère

    — dans les établissements publics dépendants du Ministère

    — dans les structures subventionnées par le Ministère

    — dans les industries culturelles et artistiques privées

  • Les artistes soutenu·es par telle ou telle institution, genre :

    — ayant obtenu une aide financière du Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC)

    — ayant obtenu une aide du Ministère dans le secteur de la danse

    — ayant obtenu une bourse X du Centre national du livre (CNL)

    — etc.

  • Les fonctionnaires de la Culture

  • Les artistes inscrit·es :

    — à la Maison des artistes (MdA) jusqu’en 2018 (année où la MdA a perdu un certain monopole administratif, transféré à l’Urssaf Limousin. Pourquoi ce dernier n’a pas récupéré en même temps la collecte des données genrées sur les artistes-auteur·rices, on saura pas)

    — à la Sacem

    — etc.

  • Les artistes sélectionné·es et récompensé·es :

    — au festival de Cannes

    — aux prix littéraires

    — etc.

  • Les personnes qui présentent ou interviennent dans des émissions TV

  • etc.

Aperçu du bousin en vidéo :

2. La mise en couleurs

Pour voir la big picture, j’ai mis les chiffres dans un tableur, avec un code couleur :

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(clique sur l’image pour voir la totalité de la big picture)

Partout dans ma feuille, l’information est la même :

  • plus c’est vert, plus il y a de femmes.
  • plus c’est rouge, moins il y en a.

Rappel : je parle de 80 tableaux, sur les 91 que contient le rapport. Ce sont ceux qui donnent une information de type : Part des femmes parmi les [personnes appartenant à tel groupe]. L’intérêt est de créer une image d’ensemble, composée de données homogènes.

Pour info, les 11 tableaux dont je ne parlerai pas ici donnent des chiffres divers : les écarts de salaires entre femmes et hommes [dans tel groupe, tel autre groupe, etc] ; le nombre de saisines (aka les dossiers saisis) de la cellule d’écoute du Ministère liées au sexe et au genre ; le nombre de sanctions disciplinaires prises par le Ministère pour violences sexuelles et sexistes.

3. Tuto Excelo-rapido, si ça t’intéresse

J’ai d’abord importé les tableaux dans Excel avec la fonction Obtenir des données :

Menu Données >> Obtenir des données >> À partir d’un fichier PDF >> Sélectionner le fichier à importer >> Sélectionner les tableaux du fichier à importer >> Faire quelques manips pour afficher les tableaux dans Excel, je n’entre pas dans le détail.

Puis j’ai rassemblé les tableaux dans une seule feuille de calcul. Ce bon vieux Ctrl+C, Ctrl+V, j’ai dû le taper un millier de fois dans le fichier.

Ensuite, j’ai harmonisé la mise en page : typo, couleur des bordures de cellules, affichage ou non du quadrillage, suppression des mots et des caractères en trop, genre les notes de bas de page et les appels de note.

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Enfin, j’ai fait la manip la plus satisfaisante du monde : la mise en couleurs automatique des cellules en fonction de leur valeur.

Menu Accueil >> Mise en forme conditionnelle >> Nouvelle règle >> Appliquer une mise en forme uniquement aux cellules qui contiennent… Et là j’ai créé une règle par type de cellule, que tu vois sur l’image ci-dessus.

EN RÉSUMÉ

La parité de genre est calculée dans près d’une centaine de groupes, de 3 catégories :
— les artistes, journalistes et autres travailleur·ses de la culture
— les travailleur·ses de l’art et la culture qui occupent une fonction de pouvoir
— les artistes & journalistes qui bénéficient de visibilité / de soutien financier / de prix artistiques / bref une autre forme de pouvoir

Dominante : beaucoup de groupes où les femmes sont minoritaires.

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II. Remarques sur la méthodo du rapport

Avant d’entrer dans le détail du rapport, faire ce travail un peu massif m’a permis de remarquer deux trucs.

  • D’abord, le genre est ici binaire, c’est pas ouf niveau représentation des minorités de genre.
  • En plus, on ne s’apesantit que sur un côté de cette binarité.

Si je te dis (comme le rapport le fait) que les femmes représentent 16% des directeur·rices des centres chorégraphiques nationaux (CCN), tu te dis : “Wow c’est peu !

Tu dois faire un effort pour voir dans ce chiffre une conséquence du patriarcat : ya peu de femmes car les hommes et leurs boys clubs prennent toute la place.

Si en revanche, je te dis que les hommes représentent 84% des directeur·rices des CCN, tu visualises direct le boys club.

En nous montrant le versant “femmes”, le rapport ne donne d’info que sur l’un des deux côtés d’une situation binaire.

Heureusement, on est fort·es en math, donc ça nous donne, en creux, l’info sur l’autre côté. Mais du coup, le projecteur pointe les personnes qui subissent le patriarcat. Pas sur les hommes, aka les personnes qui bénéficient et entretiennent le patriarcat.

ptdr

III. Synthèse du rapport en graphiques

...mieux vaut ne pas s’y arrêter

Avant de nous balancer 91 tableaux et 3000 chiffres, les auteur·rices du rapport nous donnent les grandes lignes de l’étude 2023 en quelques graphiques. Les synthèses, c’est pratique parfois, mais ça masque drôlement les disparités dans le détail.

On le voit dans le premier graphique synthétique du rapport, qui concerne les postes de direction dans les institutions culturelles.

J’ai confronté chaque ligne de ce graphique à son équivalent dans le rapport, histoire que tu voies de quoi on parle.

1. Postes de direction au sein du ministère de la Culture

En résumé : les femmes occupent 40% des postes de direction au Ministère.

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Dans le détail, on est entre 0 (ZÉRO) et 77% :

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2. Dans les établissements publics

En résumé, les femmes représentent 41% des postes de direction dans les établissements publics.

Dans le détail, c’est entre 28 et 48% :

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3. Concernant l’audiovisuel public

En résumé, les femmes occupent 60% des postes de direction dans les entreprises de l’audiovisuel public. Alors certes, si on prend seulement les chef·fes des entreprises de l’audiovisuel public :

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Mais quand on regarde les divers niveaux de pouvoir au sein de l’audiovisuel public, ça va littéralement de 0 à 100 :

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4. Les structures labellisées

En résumé, les femmes représentent 35% des directeur·rices et président·es des structures labellisées Création artistique (c’est-à-dire spectacle vivant et arts plastiques, en gros).

Dans le détail, ça va de 0 à 62%. Et on repère tout de suite les secteurs les plus favorables au recrutement de meufs : l’art contemporain.

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5. Le secteur privé

En résumé, dans les 100 plus grosses boîtes culturelles de France, les femmes occupent 14% des postes de direction.

Dans le détail, elles sont 7 à 25% :

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EN 2 MOTS

Sous prétexte de synthèse, on a vite fait de sortir juste un chiffre, bien choisi, et lui faire dire ce qu’on veut.

IV. Synthèse de la partie “analyse” du rapport

Après ces quelques chiffres en graphique, on a droit à une synthèse écrite, d’environ deux pages. En lecture diagonale, il y a quelques remarques qui ressemblent à des bonnes nouvelles. Mais tu me connais, moi les bonnes nouvelles je trouve ça louche…

C’est parti pour le décryptage de cette synthèse.

“63 % de femmes sur les bancs des écoles de l’enseignement supérieur Culture”

L’enseignement supérieur “Culture”, ça concerne les écoles types beaux-arts, architecture, Louvre, etc. Ceci dit, il y a peu de risques que les effectifs soient radicalement différents en fac ou en écoles privées.

 

“Un accès au premier emploi peu différencié”

Tout échelons, salaires, responsabilités et valorisations du job confondus, pas de discrimination de genre au premier emploi, donc.

 

40% des travailleur·ses de la culture sont des femmes

…alors qu’elles sont 63% des étudiant·es.

 

“Égalité de rémunération femmes-hommes dans la culture : en progrès”

Ça veut dire : égalité pas là.

On aime les progressions hein, mais nous ce qui nous intéresse c’est la photo ici et maintenant, pas la courbe sur 10 ou 20 ans.

 

“La part des femmes progresse dans l’encadrement de l’administration centrale du Ministère et de celui de ses opérateurs”

Cf. point précédent.

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Le bon élève depuis au moins trois ans* : l’audiovisuel public

On ne parle pas des femmes à la TV, seulement des directeur·rices et président·es. Et puis je t’ai montré plus haut qu’on parle surtout des grand·es chef·fes, pas des sous-chef·fes.

(*c’était déjà le cas en 2020)

 

“Les femmes sont minoritaires aux postes de direction des structures (…) soutenues par le ministère”

Bah !? J’avais entendu parler d’éga-conditionnalité des subventions, c’est pour quand ?

La Ministre parle en effet d’une “démarche de conditionnement des aides publiques au respect d’engagements précis et suivis en la matière, dans de nombreux secteurs déjà : le cinéma, l’audiovisuel, le jeu vidéo, la musique, le livre, les arts visuels et le spectacle vivant.

J’avais compris “en la matière” au sens large : en matière de lutte contre les inégalités. En fait, c’est en matière de lutte contre les violences et harcèlement sexistes et sexuels (VHSS de leur petit nom).

En clair, une structure peut avoir 100% de chefs hommes, mettre en place une cellule d’écoute pour les victimes de VHSS et garder sa subvention.

 

“Une représentation de plus en plus paritaire dans les conseils, commissions, instances consultatives et jurys”

“De plus en plus paritaire” ça veut dire… toujours pas paritaire partout.

 

“Les œuvres des femmes restent moins visibles, moins acquises et moins programmées que celles des hommes”

C’est navrant hein ? Et encore, c’est juste la diffusion des œuvres.

 

“Un montant moyen des aides accordées souvent plus faible pour les femmes”

Et là, on parle de soutien financier (du Ministère) à la création.

Cf le fait qu’on fait confiance aux femmes pour faire de grandes choses avec peu de moyens, et/donc on ne va pas leur confier de gros moyens. Dans la vie artistique, dans la vie domestique : même combat.

 

“Consécration artistique : moins de femmes primées que d’hommes”

Ça on sait, et même si on a une femme palmée d’or à Cannes tous les 2 ans depuis 2 ans, on n’oublie pas.

EN RESUME et avec les bonnes lunettes

– Moins d’hommes que de femmes dans les formations culturelles ;

– plus d’hommes chefs partout dans le secteur, sauf à la tête de l’audiovisuel public ;

– plus d’hommes que de femmes dans les commissions et jurys divers ;

– les œuvres des hommes sont plus diffusées, plus financées, plus soutenues et plus primées que celles des femmes.

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V. Les niches de vert

Petit retour en arrière. Tout le monde parle de l’absence des femmes dans la culture :

  • la synthèse de ce rapport
  • moi-même
  • les associations de soutien/mentorat/visibilisation des artistes f*mmes
  • les argumentaires de certaines lois sur la parité
  • etc.

Et en effet, quand on voit la gueule du rapport, on voit BEAUCOUP de rouge. Forcément, on se dit que les femmes ne sont pas vraiment là. Plus précisément, qu’elles sont minoritaires partout.

Alors qu’il y a des zones de vert, regarde bien :

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Plot twist ! Il y aurait donc des niches dans lesquelles les femmes sont en plus grand nombre que les hommes ?

Voyons cela de plus près 🧐

Zone verte n°1 : la formation

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Les femmes sont donc plus nombreuses à être diplômées (en formation initiale) et formées (en formation continue, ou formation pro), que les hommes.

Zone verte n°2 : emplois au sein du ministère de la Culture

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Elles sont aussi plus nombreuses parmi les employé·es du Ministère, que ce soit chez les titulaires (les fonctionnaires) ou les contractuel·les.

Zone verte n°3 : commissions et instances consultatives sous tutelle du Ministère

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Pour info, les commissions en question attribuent des bourses, des prix et des aides financières aux projets artistiques.

La parité est souvent respectée dans les commissions du secteur du cinéma, du livre et des arts plastiques. Pourquoi pas en musique, on sait pas.

Zone verte n°4 : postes de direction hors tutelle du Ministère

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Hors de la tutelle directe du Ministère, mais toujours dans le public, les archives ressemblent à un relatif repaire à meufs. Et tant que les structures ne dépassent pas 100 agent·es.

Tu as remarqué ? Aucune niche de vert dans la section « soutien, visibilité et consécration ».

EN 2 MOTS

Les hommes sont moins nombreux à être diplômés et formés que les femmes, mais plus nombreux presque partout ailleurs.
Et ce n’est pas parce que la plupart des commissions sont paritaires qu’elles attribuent les aides de manière paritaire.

VI. L’illusion des 40%

Ou le biais du “pas si mal”

Pour rappel, le rapport égrène des milliers de chiffres (2600 environ) qui donnent le pourcentage de femmes parmi les artistes, les journalistes, les artistes exposé·es, les directeur·rices d’opéra, bref parmi plein de sous-groupes de la grande famille des travailleur·ses de la culture et des médias.

Globalement, ça nous dit que l’égalité n’est pas atteinte. Mais si on regarde les chiffres un à un, on a la vieille impression qu’on s’en sort bien. Pourquoi ? Parce qu’il y a une récurrence de chiffres égaux à 40% et plus.

La preuve en image : mettons du vert à partir de 40% dans notre graphique préféré…

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Attends, je zoome pour tes petits yeux :

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Ok, 40% c’est pas parfait, mais c’est pas mal, non ? Et pas mal, c’est presque bien, non ?

En plus, 40% c’est légal.

Dans toutes les lois sur la parité que cite le rapport, lorsqu’un objectif chiffré est avancé, c’est “un minimum de 40% de personnes de chaque sexe”. Pas 50%.

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Alors que non, 40% n’est pas la parité :

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40% de femmes, au sein de ce rapport, signifie 60% d’hommes. Dans l’imaginaire collectif, 60% c’est le début de “beaucoup”. D’où c’est ok d’avoir 1,5 fois plus d’hommes que de femmes ? Tu vois pourquoi ce serait utile de compter les hommes plutôt que les femmes, dans les travaux sur la parité ?

Note qu’avec ce système, on voit tout de suite les irréductibles zones de mecs :

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— postes de direction de structures subventionnées

— postes de direction dans le secteur privé (100 plus grosses boîtes)

— réalisateur·rices de films soutenus et diffusés

— Et bien sûr, la zone consécration artistique 👑

EN RÉSUMÉ

La parité légale est plus avantageuse pour les hommes que la parité mathématique. Elle te dit que 1,5 fois plus d’hommes que de femmes, c’est ok.

Et elle donne l’impression qu’on s’en sort bien, limite on peut se reposer sur ce palier.

VII. Autres astuces pour présenter des chiffres pourris

En plus de la récurrence d’un taux de femmes à 40%, le rapport joue sur 6 (SIX) autres leviers du biais du “pas si mal”.

1. Rendre le rapport aussi aride que possible

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Très peu de chiffres sont mis en graphiques, le reste est une pile de tableaux remplis de chiffres et de notes de bas de pages en micro typo.

L’ensemble du pdf est sinistre est monochrome (probablement inspiré de la pire déclinaison du bleu “ministère”).

Heureusement que bibi est là pour mettre de la couleur dans ces infos 🌈

2. Diviser les chiffres en plein de sous-catégories parfois très abstraites

Genre : les types de postes ; les types de structures ; les labels et status des structures… Par exemple, les postes de direction des musées sont éclatés en trois tableaux distincts, parce que divisés par statut et par mode de gouvernance.

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3. Les regrouper par décennie (oui oui)

Ça concerne les récompenses les plus populaires : César, Cannes, Victoires de la musique, Molière, prix littéraires. Note que cette astuce est toute relative, on voit que c’est nul quand même. 

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4. Les comparer avec les stats des années précédentes

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C’est le biais d’ancrage : cela donne une référence si nase que toute progression, même minus, a l’air top.

5. Remonter parfois jusqu’au 19e siècle pour comparer (carrément)

Les stats des prix littéraires remontent à 1900, ceux du ciné et du spectacle vivant aux années 1980. Petit coup de pouce sur le biais d’ancrage, du coup 👍

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6. Des totaux autour de 50% qui aplatissent les chiffres détaillés

Genre, au Centre national du ciné, les femmes représentent 50% des commissions, mais :

— elles ne sont que 37% à en être (vice-)présidentes

— et 51% parmi les membres.

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Dans les Drac, on est sur une amplitude de 0 à 77% de femmes dans les postes de direction et d’encadrement, avec des totaux pas si mal. Et devine quoi ! Dans le détail, la proportion de femmes baisse à mesure qu’on monte en hiérarchie.

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EN BREF

Les chiffres sont nases dans l’absolu. Mais relativement, ils sont mieux qu’il y a 5, 10 ou 100 ans. Et ils sont potables dans les plus basses sphères du pouvoir.

Mais tout ça, on ne le voit qu’à condition de sortir la loupe (ou un tableau Excel bien senti).

En bref, merci Excel

Merci mon ami Excel de m’avoir accompagnée dans cette plongée : sans lui, je n’en aurais peut-être esquissé qu’une conclusion assez triste mais très partielle.

Voir ces chiffres dans une seule et même image, avec un seul code couleur, m’a permis d’identifier des trucs qui me seraient passés loiiiiin au-dessus de la tête si je m’étais contentée de lire le rapport.

C’est le souci de ces études illisibles, à croire qu’elles ne sont pas faites pour être lues par le commun des mortel·les. Les quelques médias qui les relaient se contentent de citer la synthèse même du rapport, dont on a vu que… elle sert à r.

Quelques pistes pour regarder le problème en face

Il suffirait de quelques changements dans la manière d’aborder la parité (son absence) pour rendre ce type d’étude plus lisible. Voici quelques idées.

1. Arrêter de parler seulement des femmes

Et, enfin, pointer les hommes, aka les vrais bénéficiaires et/ou acteurs des inégalités de genre.

2. Arrêter, aussi, de se gargariser sur les “bons” chiffres de l’audiovisuel public ou des commissions

Si cela ne change rien à la visibilité des femmes dans les expos, les festivals, les concerts et les programmes TV & radios, on s’en fout.

3. Souligner la rareté des endroits où les femmes sont majoritaires

Cela montre que le problème se crée au cours de la carrière professionnelle, non à la base (comme dans d’autres secteurs comme la tech par exemple). Les tenants de l’argument selon lequel il y a moins de femmes aux postes haut placés parce que moins de candidat·es, on vous voit.

4. Arrêter de faire comme si 60% d’hommes était une “égalité” acceptable

Reprends ta calculette, Jean-Bernard Passimal : la parité, c’est 50/50, point.

5. Laisser tomber la recherche d’une progression sur un (super trop) long terme

Regarder le chemin parcouru, ok, c’est nécessaire. Mais si ça ne sert qu’à masquer une situation lamentable, non.

Quand pendant toute ta vie, tu ne vois que des hommes partout, dans ta télé, dans les musées, dans ton Spotify, qui claironnent leur avis sur tout et brandissent des César et des Victoires de la Musique tous les ans, tu t’en effing bats les reins, que yen avait “encore plus” il y a 100 ans.

Pour conclure ce post, je n’ai aucune raison de garder espoir à partager. Mais avec Excel-my-love tu as maintenant des arguments à avancer face au « les femmes on les voit partout maintenant ». C’est déjà pas mal, non ?

Allez bisous !

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