Tribune de La Buse pour la continuité du revenu des travailleur·ses de l’art : de quoi on parle ?

La Buse - tribune artistes-auteur·rices

Quand on parle de rémunération des artistes-auteur·rices, on se limite souvent au fric versé aux artistes quand on les invite, expose, etc. Mais qu’en est-il des droits ouverts par les cotisations liées à cet argent — chômage, maladie, retraite… ?

Le collectif de travailleur·ses de l’art La Buse propose de modifier le fonctionnement de ces droits, avec deux objectifs en ligne de mire :

  • la responsabilisation des diffuseur·ses en tant qu’employeur·ses
  • le droit à la continuité du revenu pour toustes les travailleur·ses de l’art

Si les rémunérations versées aux artistes-auteur·rices sont vachement discutées ces temps-ci, les droits ouverts par ces rémunérations le sont beaucoup moins. Pourtant ces droits méritent tout autant notre attention.

L’accès à ces droits se fait grâce aux cotisations des artistes-auteur·rices d’une part, des diffuseur·ses d’autre part, calculés d’après les honoraires payés aux artistes-auteur·rices.

Si vous vous demandez ce qui définit les diffuseur·ses, c’est pas compliqué : ce sont les structures qui paient des honoraires aux artistes-auteur·rices pour des activités liées à la création d’œuvres originales, même s’iels ne diffusent rien au sens strict (genre : un lieu qui accueille des artistes en résidence et les aides à produire des œuvres).

Le groupe La Buse, associé à 4 syndicats de travailleur·ses de l’art, a publié en décembre dernier une proposition dans la tribune : Pour en finir avec la logique de l’aide et garantir un droit à la continuité du revenu aux travailleur·euses de l’art.

La proposition tient en deux axes :

  • d’une part, revoir les règles d’accès à ces droits, afin que les artistes-auteur·rices en bénéficient plus largement, au même titre que bien d’autres travailleur·ses en France ;
  • d’autre part, augmenter les cotisations sociales des artistes-auteur·rices (un peu) et des diffuseur·ses (un peu plus).

Est-ce que c’est viable économiquement ?

Comment ce modèle s’inscrit-il dans la continuité de l’existant ?

Qu’est-ce qu’il implique dans notre regard sur le travail dans l’art ?

Je me suis plongée dans la lecture attentive de cette tribune.

Chance pour moi et mon mon bac -12 en Sécurité sociale (c’est quoi la discipline où on apprend le système des retraites et de la Sécu ?), les membres du collectif interviennent souvent dans des tables rondes et autres journées de co-recherches sur la thématique fric/taf x art — et plusieurs sont accessibles en ligne 💃

Il y a donc sur les Internets une foule de ressources en vidéo et en podcasts, sous forme de discussions très vivantes et super précieuses pour comprendre tous les aspects de cette proposition.

En plus, j’ai échangé avec elleux pour éclaircir mes derniers doutes.

Aujourd’hui je vous présente la proposition de La Buse, et ses enjeux économiques et politiques — I mean dans la représentation qu’on se fait, collectivement, des travailleur·ses de l’art.

En fin d’article, je vous donne mes meilleures sources (à ce jour) pour piger de quoi on parle, et même un bonus pour faire le lien avec les retraites 💫 Restez avec moi 😉

Documentation, formation et information

La proposition de La Buse

Dans sa tribune Pour en finir avec la logique de l’aide et garantir un droit à la continuité du revenu aux travailleur·euses de l’art, publiée en décembre dernier, La Buse part de plusieurs constats :

  • les diffuseur·ses cotisent très peu
  • les artistes-auteur·rices ont des droits assez bas au-delà de leurs honoraires nets (eux-mêmes très bas, mais c’est un autre sujet)
  • Selon certains aspects, les artistes-auteur·rices ont des droits de salarié·es…
  • …selon d’autres, iels sont des travailleur·ses exceptionnel·les…
  • …voire pas des travailleur·ses du tout.

Modifier les seuils d’accès aux droits sociaux

L’accès à l’assurance maladie est possible dès le premier euro perçu (donc sur lequel sont payées des charges sociales).

Ce sont les autres droits sociaux qui sont ouverts plus tard, ou inexistants.

Face à ça, la proposition de La Buse tient en un schéma bien clair :

seuils d'ouverture des droits
Seuils d’ouverture des droits des artistes-auteur·rices, actuellement vs dans la proposition de La Buse (schéma par La Buse)

Grâce à ces contributions, [touste artiste auteur·rice] aura accès à une assurance maladie dès le premier euro perçu, ainsi qu’à la totalité des autres droits à partir de 3000 euros de revenus annuels (chiffre d’affaires) : assurance chômage, accidents du travail et maladies professionnelles, retraite complète, congés maladie et pa·maternité. (…) L’indemnisation du chômage sera ouverte à tous·tes les artistes-auteur·ices dont le revenu annuel est au moins égal à 3000 euros*, soit 286 heures SMIC. Son montant sera calculé en fonction du revenu de référence des 12 derniers mois et d’un taux de remplacement qui permettra une indemnisation aussi proche que possible des revenus d’activité.

*L’article 65 de la LOI n° 2020-935 du 30 juillet 2020 de finances rectificative pour 2020 accorde une prise en charge des cotisations sociales aux artistes-auteur·ices dont le revenu artistique est d’au moins 3.000 euros annuel – reconnaissant ainsi leur professionnalité.

(extrait de la tribune de décembre 2021)

Augmenter le taux de charges payées par les artistes-auteur·rices et les diffuseur·ses

Côté artistes-auteur·rices, les cotisations sociales sont autour de 16% à l’heure actuelle.

Côté diffuseur·ses, on est à 1,1%. Comparé à d’autres employeur·ses culturel·les, ce n’est rien. Les diffuseur·ses de spectacles, pour ne pas les nommer, cotisent à hauteur de 46% sur les salaires versés à celleux qu’on appelle les “intermittent·es” du spectacle.

Précision : les charges des artistes-auteur·rices (17%) sont versées à partir de leurs honoraires bruts. Les cotisations des diffuseur·ses sont calculées sur les honoraires bruts mais non prélevées dessus. Pour 100€ d’honoraires versés, l’artiste-auteur·rice règle 16€ de charges pris sur ces 100, tandis que les diffuseur·ses paient 1,1€ en plus.

Le collectif La Buse préconise de hausser le taux de cotisation des artistes à 17% et celui des diffuseur·ses à 5,15% :

Cotisations sociales versées par les artistes-auteur·rices et les diffuseur·ses, actuellement vs dans la proposition de La Buse (schéma par La Buse)
Cotisations sociales versées par les artistes-auteur·rices et les diffuseur·ses, actuellement vs dans la proposition de La Buse (schéma par La Buse)

Question à dix mille balles : est-ce qu'on a les moyens ?

Quasi quintupler la contribution diffuseur ? Mais tu n’y pense pas 😱

Oh mais si, j’y pense, j’ai même fait le calcul.

Rappelez-vous que les structures paient une cotisation super basse.

Dans un centre d’art où j’ai bossé il y a quelques années, on a versé environ 36 600 euros d’honoraires à des artistes-auteur·rices (je reviens là-dessus plus bas) sur une saison.

1,1% de ça, c’est 403 euros. PEANUT. (ya un potit graphique mignon pour te montrer ça plus bas)

5,15% de ça, c’est 1887 euros.

Pour une structure qui peut régler 36600 euros d’honoraires, 1887 euros ça se trouve.

Donc oui, les structures ont les moyens de cotiser plus.

Est-ce que ça suffirait à couvrir l’augmentation des droits sociaux ?

Deuxième gros sujet : comment financer une augmentation des droits sociaux aussi importante, avec une augmentation des cotisation qui semble si faible ?

Au niveau financier, j’ai posé la question à La Buse :

Le principe des allocations chômage, retraites (etc) est interprofessionnel. Ça veut dire que même si les différents secteurs professionnels n’ont pas tous le même volume économique, ils s’équilibrent entre eux.

(extrait d’un entretien avec La Buse réalisé entre février et mars 2022)

C’est ce que montre la grosse flèche verte de ce schéma :

Principes actuels de cotisation et d’ouverture des droits pour les artistes-auteur·rices (schéma par La Buse)
Principes actuels de cotisation et d’ouverture des droits pour les artistes-auteur·rices (schéma par La Buse)
Proposition de La Buse sur ces cotisations et droits (schéma par La Buse)
Proposition de La Buse sur ces cotisations et droits (schéma par La Buse)

Ce que ça implique

La Buse n’a pas pour seul but d’augmenter les revenus des artistes (même si c’est aussi le but ici), l’objectif est de repenser le statut d’artiste-auteur·rice en partant de la situation actuelle.

Depuis la fin des années 70, les artistes-auteur·ices ont une Sécurité sociale adossée au régime général, ce qui signifie qu’i·elles ont des droits de salarié·es. Pourtant, leurs revenus sont issus de la propriété intellectuelle (droits d’auteur) et du travail indépendant (honoraires).

(extrait de la tribune de décembre 2021)

En d’autres termes, les travailleur·ses de l’art sont considérés tantôt comme des travailleur·ses salarié·es, tantôt comme des travailleur·ses indépendant·es, tantôt comme des rentier·es (donc des non-travailleur·ses).

Ça n’a aucun sens !

La proposition de La Buse s’appuie sur la logique de la Sécu pour ajuster l’ensemble des droits sociaux des artistes-auteur·rices. Ça implique qu’il va falloir dépasser plein de trucs.

1. Dépasser le “Payez les artistes”

Le collectif La Buse est (évidemment) passé par là, iels ont fait cette demande “basique”. En 2020, en plein vous-savez-quoi, des structures de diffusion d’arts visuels ont lancé une pétition pour réclamer, je cite :

  • Une augmentation des budgets d’acquisitions des Fonds régionaux d’art contemporain et des musées d’art contemporain
  • Des moyens financiers renforcés pour des « aides à la recherche et à la production » alloués aux centres d’art
  • Des « bourses d’écriture » et de résidences aux critiques d’art et commissaires d’expositions
  • Des aides matérielles aux étudiants en art et aux jeunes diplômés
  • Un véritable statut des artistes auteurs.trice.s
  • Un budget dédié à la commande publique digne de ce nom (avec une ligne « déconcentrée »)

(Tribune « Le monde de l’art se mobilise », 29 janvier 2021, ici)

Ce à quoi La Buse a répondu :

Ne «soutenons» pas les artistes, rémunérons les travailleuses et travailleurs de l’art !

(Tribune éponyme de La Buse, 11 mai 2021, ici)

En effet, la plupart des mesures réclamées par le “monde de l’art” (5 sur les 6 ci-dessus ☝️) sont des actes de solidarité qui normalisent la précarité des artistes.

On est d’accord, payer les artistes correctement et systématiquement serait déjà un grand pas en avant, mais pas question de se contenter de ce “déjà pas mal”.

Aujourd’hui, il s’agit d’aller plus loin.

2. Dépasser le seul cas des artistes-auteur·rices

Par ailleurs, La Buse ne parle pas que des artistes qu’on accueille en résidence ou qu’on expose dans les structures :

Cette lutte ne s’attache pas à la seule figure historique symboliquement valorisée de l’artiste-auteur·ice, mais doit nécessairement être étendue à l’ensemble des travailleur·euses de l’art non salarié·es (les accrocheur·euses d’exposition, les curateur·ices, les critiques, les médiateur·ices, les graphistes, les traducteur·ices, les chargé·es de projet, etc.).

(extrait de la tribune de décembre 2021)

Beaucoup d’artistes exercent ces missions non salarié·es.

Enfin, plus exactement : beaucoup de travailleur·ses indépendant·es dans l’art contemporain sont aussi artistes et dans certains cas, cela autorise les structures à les payer comme s’iels faisaient une prestation artistique. Ce n’est pas toujours illégal ou abusif, mais c’est un fait.

Et alors, me direz-vous, ça représente qui et combien, les travailleur·ses de l’art non salarié·es ?

Sur les 36 600 euros d’honoraires évoqués plus haut, ça représentait ça :

Exemple de répartition des artistes-auteur·rices en fonction de leurs missions. Base : 36600€ d’honoraires bruts versés en un an par un centre d’art (choisi au pif)
Exemple de répartition des artistes-auteur·rices en fonction de leurs missions. Base : 36600€ d’honoraires bruts versés en un an par un centre d’art (choisi au pif)

(Est-ce que je suis allée pointer toutes les lignes honoraires d’un budget annuel de centre d’art pour faire ces calculs ? Tout à fait — Excel-ma-vie m’a bien aidée)

👆 Toutes ces personnes et ces missions avaient le statut d’artiste ou d’auteur·rice dont il est question ici. Ça vous donne une idée de ce que recouvre la seule ligne “honoraires” dans le budget d’une structure de diffusion.

⚠️ C’est un exemple d’une année (parmi d’autres) dans un centre d’art, ça n’a rien de représentatif.

Pendant que je suis dans les camemberts, voilà ce que représente la contribution diffuseur actuelle dans le budget de fonctionnement* annuel du centre d’art dont je parle (*sans les salaires et les frais de bâtiment, grosso modo) :

Exemple de ce que représente la contribution diffuseur actuelle dans le budget de fonctionnement annuel d’un centre d’art (toujours le même, non représentatif). Base : 127 458€ de fonctionnement (hors salaires et frais de bâtiment). Toi aussi, joue à “Où est Charlie ?” avec la contribution diffuseur 🔎
Exemple de ce que représente la contribution diffuseur actuelle dans le budget de fonctionnement annuel d’un centre d’art (toujours le même, non représentatif). Base : 127 458€ de fonctionnement (hors salaires et frais de bâtiment). Toi aussi, joue à “Où est Charlie ?” avec la contribution diffuseur 🔎
Et voilà ce que ça représenterait si on passait à 5,15% :
Sur la même base (127 458€ de fonctionnement, hors salaires et frais de bâtiment, centre d’art random), voilà ce que représenterait la contribution diffuseur selon la proposition de La Buse.
Sur la même base (127 458€ de fonctionnement, hors salaires et frais de bâtiment, centre d’art random), voilà ce que représenterait la contribution diffuseur selon la proposition de La Buse.

3. Emprunter une voie admise dans le spectacle vivant

Dans sa tribune, La Buse fait le parallèle avec le fonctionnement de l’intermittence dans le spectacle vivant :

Ces propositions qui peuvent paraître ambitieuses se fondent pourtant sur un système qui a une histoire longue, le régime de l’intermittence.

(extrait de la tribune de décembre 2021)

La logique du 2 poids 2 mesures (ou plutôt 36 poids, 36 mesures), en pratique dans les métiers de l’art, c’est insupportable. Même si ça s’explique historiquement, l’inégalité entre divers secteurs culturels n’a plus de légitimité aujourd’hui.

Et puis, précision : La Buse s’inspire de l’intermittence, il ne s’agit pas d’augmenter les cotisations des diffuseurs d’arts visuels au niveau de celles des diffuseur·ses de spectacle (rappel : 46% de charges versus 5,15%).

36 poids, 36 mesures

4. Responsabiliser les diffuseurs en tant qu’employeur·ses

En élargissant les droits sociaux, la proposition de La Buse amorce une reconnaissance des accidents du travail et des maladies professionnelles pour les travailleur·ses de l’art.

De ce côté, il y a tellement à faire !

Vous savez ce qui se passe quand un·e artiste régisseur·se indépendant·e se blesse sur un montage d’expo ? Rien. Et ça craint.

Pour mémoire :

seuils d'ouverture des droits
Seuils d’ouverture des droits des artistes-auteur·rices, actuellement vs dans la proposition de La Buse (schéma par La Buse)

5. Dépasser la définition productiviste du travail

Je reviens sur l’inspiration spectacle vivant : il s’agit aussi de lui emprunter une certaine définition du travail. Toute “intermittente” qu’elle est, la carrière pro d’un·e artiste ou d’un·e technicien·ne du spectacle entraîne pourtant un droit à un revenu continu.

La tribune de La Buse le dit mieux que moi :

la grande nouveauté de notre proposition est la création d’une assurance chômage conçue comme un droit à la continuité du revenu. Entre deux ventes ou deux prestations, nous ne cessons pas d’être des travailleur·euses.

(extrait de la tribune de décembre 2021)

Du point de vue des diffuseur·ses, la disponibilité des artistes-auteur·rices fait partie du job, et elle les arrange. À ce titre, elle devrait être financée par les diffuseur·ses et la collectivité — comme celle des artistes et technicien·nes du spectacle.

6. Dépasser le seul cas des travailleur·ses de l’art

Repenser ainsi la définition du travail artistique, ça pourrait arroser l’ensemble des secteurs pro :

Nous sommes ainsi convaincu·es qu’une lutte qui peut paraître de prime abord sectorielle pourrait permettre en réalité de repenser plus largement la notion même de « travail », dont la définition ne doit pas être préemptée par un groupe social restreint dont il faudrait quémander les faveurs.

(extrait de la tribune de décembre 2021)

En bref

Il existe moult leviers pour améliorer la situation des travailleur·ses de l’art.

0️⃣ Niveau 0 : la solidarité compétitive*

  • distribuer des bourses, des prix, des aides d’urgence, des aides exceptionnelles
  • pas toujours sous forme de rémunération, donc ouvrant pas ou peu de droits par rapport à des honoraires au sens strict
  • qui exacerbent la concurrence entre les artistes
  • dézinguent la corrélation entre travail artistique et argent
  • et essentialisent la fragilité économique des activités artistiques

(*à moi aussi, ce paradoxe me donne mal à la tête)

1️⃣ Niveau 1 : appliquer une décence minimale

  • systématiser le versement d’honoraires quand on invite un·e artiste dans sa structure
  • systématiser le versement de droits d’auteur quand on expose et/ou reproduit son travail ;
  • systématiser la distinction entre enveloppe de production, droits d’auteur et honoraires, pour rendre visibles lesdits honoraires

2️⃣ Niveau 2 : dépasser la décence plancher

  • en payant plus que les conseils timides du secteur. J’en parlais ici : depuis 2019, les recommandations de grilles de rémunération des artistes ont fleuri çà et là, sans mesure d’obligation.

3️⃣ Niveau 3 : revoir le droit au salaire socialisé

  • faire accéder plus d’artistes à une couverture sociale
  • élargir cette couverture sociale

4️⃣ Niveau 4 : revoir carrément le principe du travail

  • et embarquer les travailleur·ses de tous horizon dans cette réforme 💪

En clair, ne vous laissez pas berner par les promesses de fric, toutes ne se valent pas 🕵️

le jeu des 5 niveaux

Bonus

Faire la distinction entre salaire différé, socialisé et continué

En discutant avec le collectif La Buse, j’ai mieux compris les nuances entre les notions de salaire “différé” et “socialisé”. Je trouve ça assez intéressant pour le partager ici.

Rappel : toustes les salarié·es ont des droits au-delà de leur salaire, ouverts par les cotisations patronales (l’argent versé par les employeur·ses à des caisses dédiées) calculées sur les salaires versés.

Un de mes profs de fac, en gestion en spectacle vivant, parlait de ces droits comme d’un “salaire différé” pour les artistes et technicien·nes du spectacle. J’étais tentée d’utiliser ce terme pour aborder la continuation du salaire, mais La Buse précise :

On privilégie le terme de « salaire socialisé », plus adapté dans ce contexte. En fait, la notion de salaire différé est même opposée à celle de salaire continué.

On le voit avec la réforme de la retraite par points, par exemple : à une logique de continuation du salaire après la carrière (régime de base actuel), Macron entend substituer une logique de revenu différé.

Dans le premier cas, la pension est la poursuite du meilleur salaire. Ce ne sont pas les cotisations qui servent de base de calcul. La retraitée a le droit de conserver son salaire même hors de l’emploi.

Dans le second cas, la pension est la contrepartie des cotisations : à mesure de ses performances dans l’emploi ou sur le marché de biens et services, la future retraitée met des cotisations au frigo. Un montant x de cotisations vaut x points, qu’elle pourra faire valoir une fois en retraite. Le système par points mime l’épargne. La retraitée aura la sensation d’avoir mis de côté une partie de son salaire pour plus tard, donc de l’avoir différé.

La confusion entre salaire continué et salaire différé est souvent faite, même par des militants CGT ou par Mélenchon. C’est ce qui rend encore plus compliqué de déjouer les réformes successives qui visent non pas à supprimer la retraite par répartition (c’est-à-dire par socialisation du salaire), mais à en changer la nature (passer du droit au salaire hors de l’emploi à une logique de revenu différé).

(extrait d’un entretien avec La Buse réalisé entre février et mars 2022)

Pour aller plus loin

Quelques ressources qui m’ont été fort utiles pour comprendre tout ce bazar (tout en reposant mes yeux) :

  • la différence entre salaire à vie et revenu universel, au fil d’un échange entre Barthélémy Bette et Antoine Bonnet, à écouter sur Duuu Radio
  • Aurélien Catin (membre de La Buse) a écrit Notre condition. Essai sur le salaire au travail artistique, paru chez Riot Edition en 2020, c’est à découvrir ici
  • …puis l’article « Où en sommes-nous ? Une relecture de Notre condition à l’heure du coronavirus », paru dans la revue l’art même n° 84 en mai-août 2021, à lire ici
  • Encore une couche sur la nuance (de taille) entre salaire continué et revenu universel, dans le cadre d’une Nuit des idées à voir en replay ici

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Pour lire la tribune de décembre 2022 et signer la pétition, c’est par là

Voir aussi leur tribune de mai 2021 Ne «soutenons» pas les artistes, rémunérons les travailleuses et travailleurs de l’art !

Art boulot par Géraldine Miquelot - Allez c'est parti

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