dca et la charte des bonnes pratiques des centres d'art contemporain
Qu’est-ce qu’un centre d’art ? Qu’est-ce qui rassemble la cinquantaine de membres du réseau dca ?
Vous pouvez en avoir un aperçu dans la charte des bonnes pratiques des centres d’art contemporain, publiée par dca en 2019. Vous ne voyez pas de quoi je parle ? Restez avec moi, on va voir :
- qu’est-ce donc que cette charte
- son annexe précieuse, sur les rémunérations des artistes
- ses enjeux et la suite des événements
Prêt·e ? C’est parti 👇
dca, association française de développement des centres d’art contemporain
dca est un réseau d’une cinquantaine de centres d’art contemporain, de tous statuts et toutes tailles, répartis sur le territoire hexagonal. On y trouve par exemple le Palais de Tokyo ou le Jeu de Paume situés à Paris, le CCCOD à Tours, la Villa Arson (qui est également une école) à Nice, Triangle – Astéride à Marseille… bref, vous avez l’image.
Comme beaucoup de réseaux de ce type, dca relaie l’actualité artistique et organise des rencontres entre les équipes de ses structures membres.
⚠️ dca ne rassemble pas tous les lieux d’art contemporain ⇒ ses actions ne concernent a priori que ses membres.
ℹ️ Mais : c’est aussi l’un des (nombreux) interlocuteurs du ministère de la Culture, pour ce qui concerne le secteur des arts visuels en France. Il a par exemple été consulté pour la création du label Centre d’art contemporain d’intérêt national, dont je parle dans cet article.
La charte des bonnes pratiques des centres d’art contemporain
En 2019, le réseau d.c.a a publié une première charte des bonnes pratiques des centres d’art contemporain.
Ce document affirme les valeurs et les positions éthiques des centres d’art contemporain. Ça touche à la place des artistes dans les projets des centres d’art, l’éducation artistique et culturelle ou encore l’impact environnemental de leurs activités.
L’article le plus intéressant concerne les équipes des centres d’art :
Article 2
Dans les cadres contractuel et conventionnel, chaque centre d’art contemporain engage une éthique de l’attention à l’autre dans ses pratiques d’organisation et de gestion des équipes. Il s’engage également dans la valorisation et la reconnaissance de la spécificité des métiers des centres d’art contemporain, ainsi qu’à accompagner les équipes dans le développement de leurs compétences et de leurs acquis professionnels.
☝️Si vous collaborez avec un lieu membre du réseau, sachez que sa direction est supposée appliquer ces principes.
La grille de rémunérations préconisées par dca
Le plus cool (et le plus commenté) dans cette publication est son annexe : « Barème de rémunération – DCA. Minima préconisés* ».
Une grille de rémunérations à verser aux artistes, quand iels sont invité·es à faire une expo, une conférence, un atelier pédagogique…
Un exemple ?
dca recommande de régler aux artistes entre 150 et 1000 euros de droits de présentation d’une ou plusieurs œuvres. Pour la conception d’œuvres originales, la grille indique jusqu’à 1000 euros, en plus des droits de présentations sus-cités.
*Préconisés meaning « Ce serait bien de payer pas trop moins que ça ».
Les enjeux de la charte
Un document interne...
A priori, charte et recommandations de paiement ne sont pas des obligations au sens strict. Par exemple, il n’est dit nulle part que si on ne les applique pas, on sort du réseau.
De plus, elles s’adressent seulement aux membres de dca. Mais spoiler : ça va un peu plus loin que ça.
...issu de discussions transversales
En fait, le pack charte-grille a été l’une des premières sorties publiques de réflexions menées depuis quelques années.
Je me rappelle d’une de ces réflexions comme si c’était hier. J’étais salariée dans une structure membre de dca quand a eu lieu un mega forum. Pendant trois jours, plus de 200 personnes employé·es en centres d’art se sont réunies. Au programme : ateliers de travail avec nos homologues d’autres structures, discussions transversales thématiques, partages de types et de process.
C’était l’été, c’était cool. C’était trop chouette de rencontrer autant de personnes, et encore plus fifou de revoir des ami·es pas vu·es depuis leur départ à Pétaouchnok. Ami·es consœurs et confrères de cette période qui passez par là, cœur sur vous
Les autres, allez papoter avec vos homologues de l’autre bout de la France, ça fait un bien fou.
☝️ Ça, c’était l’un des grands moments de réflexion dont je parlais. Mais dca menait aussi des discussions avec d’autres partenaires. D’autres réseaux pros, syndicats, personnes du Ministère, ce genre de partenaires.
Ça a commencé à durer, ces discussions avec 36 interlocuteur·rices (tu m’étonnes), sans résultat visible.
Sur l’éternel chantier des tunes dans l’art contemporain institutionnel, les crispations sont toujours un peu les mêmes :
- On parle de structures financées par des fonds publics. En l’état, la hausse des rémunérations des artistes augmente les dépenses des structures, mais pas leurs subventions. Mathématiquement, ça coince.
- Les différences de moyens d’un lieu à l’autre sont donc énormes
- Est-ce que le fait de rémunérer les artistes ne va pas décourager les projets d’expo les plus précaires, qui fonctionnent à 100% en bénévolat ?
Bref, gros débat, qui s’éternise donc.
Mettre un pied dans la porte
Pour dca, sortir ce pack a été un moyen d’agir, au moins au niveau de ses membres. Une charte pour les valeurs, une grille comme outil concret de mise en pratique.
« Une façon de faire avancer les choses concrètement », m’explique Sophie Kaplan.
« Faire avancer », c’est rien de le dire !
Initier le mouvement
Dans le sillage de la charte de dca, plusieurs textes similaires sont sortis :
Pour rappel, mai 2019, c’est la date de publication de la charte de dca.
- décembre 2019 : le Ministère sort un communiqué défendant le règlement d’un droit de présentation publique aux artistes exposé·es (communiqué accessible ici). Il publie une grille à cette occasion, lui aussi.
- mai 2020 : Astre, réseau des arts plastiques et visuels en Nouvelle-Aquitaine, sort une grille à son tour
- en 2021, c’est le réseau devenir.art (Centre-Val-de-Loire) qui sort la sienne.
Ces trois documents de référence concernent les artistes, mais ne s’accordent pas toujours sur les méthodes de calcul et, au final, sur les montants à verser les suggestions de montants à verser. J’en fais un comparatif ici. Mais une chose est sûre : après la sortie de la charte de dca, tous les référentiels qui étaient en germe à ce moment sont sortis, pouf !
Faire référence
Et ce n’est pas tout !
Je trouve souvent cette charte dans de nombreuses pages de ressources à destination des pros de l’art contemporain. Pour les structures modestes, elle peut même servir de référence, comme un objectif (temporaire, on espère) à atteindre. Face à ses élu·es (financeur·ses donc), un·e directeur·rice de lieu peut s’en servir comme argument : « Voyez les gars, si on veut avoir un peu de crédibilité en tant que structure d’art contemporain, il faut des pratiques saines, et pour ça il nous faut des sous. »
Même si la charte et, surtout, sa grille de préconisations ont été assez critiquées (car fort basses), c’est un outil plutôt coolos qui a pu activer des changements dans les pratiques, à différentes échelles.
Vous vous lancez dans un projet d’expo et vous n’avez aucune idée de combien payer vos invité·es ? Allez y jeter un œil !
La suite
Aujourd’hui, dca entreprend de faire évoluer cette grille. Déjà, pour tenter de revoir les minimas proposés, en accord avec d’autres réseaux. Et aussi pour élargir les cas concrets. L’actuelle grille parle d’expositions, de conférences, d’atelier artistique et de production de texte.
Les artistes collaborent avec les structures de plein de manières différentes : qu’en est-il des performances, des diffusions vidéos, des workshops… ?
C’est ce qui est en chantier à dca. À suivre donc !